02 février 2006
La foudre frappe les éoliennes
Difficile à croire au premier abord. Pourtant, les témoignages spontanés et non concertés émanant de plusieurs riverains de chemin Lacaisse se recoupent. Samedi, vers 18 h, certains déclarent avoir vu des boules de feu se former au sommet des mâts pointés vers le ciel des éoliennes, d’autres évoquent d’impressionnantes décharges électriques ayant endommagé leurs appareils électroménagers.
Les hélices des 23 éoliennes sont à terre mais une partie des mâts métalliques sont pointés vers le ciel. Et les riverains du chemin Lacaisse, dont les maisons sont alignées parallèlement au champ d’éoliennes, s’estiment “victimes du phénomène induit de ces imposantes tiges métalliques, hautes d’une quinzaine de mètres chacune et qui attirent la foudre en faisant fonction de paratonnerre en puissance. D’autant que les mâts, distants de 60m d’intervalle, sont alignés sur une bande de 2,3 km”. Depuis le domicile de Dany Gonthier, on a une large vue d’ensemble sur ce champ d’éoliennes de Sainte-Rose tant décrié, sur les pentes du Piton Balmann.
LA PEUR DE SA VIE
Le père de famille raconte ce qu’il a vécu samedi soir : “J’ai vu des éclairs et des étincelles qui semblaient converger au sommet d’un mât pour constituer ensuite une sorte de boule de lumière en forme de huit. Le phénomène s’est produit trois ou quatre fois de suite sur plusieurs mâts, en prenant à chaque fois la direction du sens descendant vers la mer. Je suis rentré pour débrancher mes appareils électriques car nous avons déjà connu la triste expérience d’un premier orage du même genre qui a endommagé notre ordinateur en octobre”. Pris de peur, Dany Gonthier a quitté son domicile samedi pour se réfugier chez des amis. Jean-Erick et Odile Boyer habitent plus bas : “Il était exactement 18 h 15. Pas de grosses pluies. Il farinait un peu mais les tonnerres grondaient fort. Tout à coup, une boule de feu est tombée dans la cour, sectionnant le tronc de bananier puis dans la salle de jeux, juste derrière mon fils qui jouait au billard avec des amis. Tous les fusibles ont grillé, le compteur a disjoncté mais quelques appareils ont été quand même endommagés. La foudre a aussi frappé un poteau de ligne téléphonique dont le boîtier a volé en éclats. L’électricité et le téléphone étaient coupés pendant des heures. Nous avions dû annuler la soirée pizza prévue pour les jeunes car tout le monde était paniqué”. Mme Bénard, elle aussi, a eu la peur de sa vie : “Déjà j’ai une phobie de l’orage. Débrancher les appareils était devenu un réflexe chez moi. Les tonnerres étaient de plus en plus menaçants. J’ai alors pris ma voiture et je suis partie. Arrivée au niveau de la RN2, j’ai vu des espèces d’étincelles et de décharges faisant des zig zag sur les poteaux et glissant le long des fils électriques ainsi qu’au-dessus de l’antenne de la station de Radio Est (ndlr : où le standard aurait été endommagé)”. Les Ponambalom n’ont pas été épargnés. “Nous avons tout débranché mais au moment fort de l’orage, des étincelles étaient toujours visibles au niveau des prises électriques. Notre live-box a grillé”. Il en était de même pour Bertrand Turpin qui “n’a pas eu le temps de tout débrancher”. La liste des matériels endommagés est importante : modem d’ordinateur, filtre ADSL, réfrigérateur... Chez d’autres familles, c’est la télé qui était “bousillée” suite à l’orage. Les Técher, qui sont un peu éloignés du champ d’éoliennes pour leur part, déclarent n’avoir subi aucun dégât. “Nous avons juste aperçu de loin les éclairs”. Bref, les témoignages recueillis dans chaque foyer convergent parfaitement : l’heure, la description des “boules de feu”, les dégâts qu’elles ont occasionnés sur les matériels électroménagers... Ils sont aussi unanimes à dire que “les orages n’étaient jamais aussi violents à Sainte-Rose avant”. Et de conclure : “Ces phénomènes sont forcément liés à la présence du parc éolien”.
PLAINTE CONTRE X
À croire que même couchées, les éoliennes font du tort aux habitants du chemin Lacaisse qui n’ont eu de cesse de dénoncer d’autres gênes depuis début 2005, date d’installation des éoliennes : bruits, érosion entraînant des dégradations des champs de canne avoisinant... Ces dernières ayant fait l’objet d’une plainte contre X. L’affaire qui devrait passer devant le tribunal demain, 26 janvier, sera reportée au 6 février. Les riverains regroupés au sein de l’association de défense de l’environnement de la Réunion (Ader) demandent aujourd’hui la remise en état du site, par la voix de son président Dominique Ponambalom : “Nous attendons toujours les résultats d’une étude d’impact menée par l’organisme Gamba Acoustic, qui devaient être rendus depuis juillet de l’année dernière. Nous pensons que les promoteurs du projet de Siif Énergies devenu Énergies Nouvelles sont déjà en possession de ces résultats qui ne leur sont pas favorables, car dépassant sûrement le seuil de bruit autorisé. Ils attendent que la société (ndlr : Vergnet) qui leur a vendu les éoliennes, apporte les améliorations nécessaires pour camoufler les bruits des appareils. Mais le courant ne passe plus entre les deux sociétés. Il ne reste plus aujourd’hui qu’à remettre le site en son état initial. En plus de la pollution visuelle qu’il représente, le cimetière de ferrailles que nous avons là, constitue non seulement une gêne considérable pour les terres agricoles mais aussi un réel danger pour les riverains en raison de cet effet paratonnerre”. À bon entendeur.
Pana Reeve
Remise en état obligatoire selon le Code général des mines Visiblement prête à enterrer définitivement le projet éolien, l’Ader parle déjà de “cimetière de ferrailles” et de “friches industrielles” même si l’on n’est pas encore parvenu à cette extrémité. L’association évoque par ailleurs une note de la fédération nationale Vent de Colère à laquelle elle est affiliée : “Il est constant en France que les friches industrielles perdurent pendant des décennies au mépris des dispositions explicites du Code général des mines qui rendent obligatoires la remise du terrain dans son état primitif pour toute cessation d’exploitation industrielle (...). La remise en état du terrain doit concerner non seulement ce qui est visible (les éoliennes proprement dites) mais aussi ce qui est enfoui dans le sol comme les canalisations électriques et socles bétonnés pour les fondations”.
La foudre, second incident L’extrait d’un rapport technique du Conseil général des mines à Paris indique que “la foudre constitue la seconde cause des incidents dus aux éoliennes (ndlr : après la perte d’une pale, la première cause). Le mât lui-même, malgré ses protections, peut être foudroyé avec des conséquences en général sur tout le matériel électrique et être à l’origine d’un incendie”. Concernant les risques liés à l’incident, le même rapport précise que “la zone de risque de choc électrique résultant de l’action de la foudre se limite aux abords immédiats de l’éolienne”.
Examen au cas par cas chez EDF Les personnes ayant subi des dégâts au niveau de leurs appareils électriques sont invitées par EDF à leur adresser une lettre expliquant les problèmes qu’ils ont rencontrés. EDF promet de répondre à ses clients après avoir étudié le bien-fondé de chaque cas. Ceux qui sont assurés, pour leur part, doivent contacter leur compagnie.