M. Bucher, moi qui vous écrit d’une autre région de France, je viens de découvrir votre statut de porte parole des Verts du Pays de Brest, (et je comprend mieux la virulence de vos propos...) je me permets donc ces quelques mises au point suite à votre réponse à ma contribution sur le forum. Quand à Régis, je peux vous dire tout de suite que je suis loin d’être naïf, encore moins anti allemand, mais simplement informé.
M. Bucher, vous terminez votre texte par un rappel sur Tchernobyl. Et bien non, je ne suis pas un pro nucléaire, loin de là. Il se trouve que j’ai très longtemps habité en Alsace, et j’ai participé à toutes les manifs anti- nucléaire liées à la création de la centrale de Fessenheim, et plus tard à l’occupation franco-allemande d’un terrain où EDF envisageait la création d’une seconde centrale nucléaire en Alsace. En 1986 j’étais sur mon vélo lorsque je me suis fais surprendre par la pluie radioactive venant de Tchernobyl, et habitant à moins de 2 km de la frontière allemande, c’est par les médias de ce pays que l’on a appris les mesures sanitaires à prendre. Donc, dans le domaine de la dangerosité du nucléaire, je ne pense pas avoir de leçon à recevoir de quiconque, (y compris des Verts...). Je suis donc parfaitement conscient qu’il faudra sortir de cette technologie qui va polluer notre planête pour des millénaires. Le seul avantage du nucléaire (mais c’est bien le seul), c’est l’absence de gaz à effet de serre. Les risques, tout le monde les connaît, hélas...
Je ne suis favorable à l’électricité produite grâce à l’énergie éolienne, en 2001, j’ai même applaudi des deux mains les dispositions permettant la mise en place d’une législation facilitant la mise en oeuvre des énergies renouvelables (rachat de l’électricité).
Mais pour moi, puisque nous parlons d’éoliennes, cela doit se faire avec discernement, dans des paysages dégradés ou sans qualité particulière, que l’installation d’éolienne peut requalifier. Ce qui justement me désole c’est la désinvolture avec laquelle sont montés les différents projets (que les sociétés soient françaises ou étrangères, c’est strictement identique en terme de médiocrité). On sait tous les problèmes environnementaux générés dans les décennies précédentes par les grosses installations EDF (hydraulique au fil de l’eau, barrages, centrales nucléaires). A titre d’exemple, il suffit de voir les dégâts irrémédiables causés sur un fleuve comme le Rhin, corseté dans des digues en béton, laissant mourir d’un point de vue écologique toute la plaine alluviale proche. Aujourd’hui, on dépense des millions d’euros pour requalifier ces espaces. Et à l’examen des études d’impact jointes aux permis de construire, il semble qu’on a pas tiré les conséquences de ces erreurs...
Faut-il systématiquement laisser faire les promoteurs privés ? Faut-il systématiquement dégrader des paysages et un environnement de qualité au seul profit de notre petit confort égoïste ?
A ces deux questions ma réponse est non. Pour moi écologie ne rime pas avec business. Et électricité doit rimer avec service public, (tant pour la production que la distribution). Quand j’ai vu arriver sur mon bureau les premiers projets éoliens, j’étais très enthousiaste. Mais comme à chaque fois que se présente à moi une nouveauté, j’ai voulu en savoir plus. Je suis allé sur internet à la pêche aux informations, de tous les bords (pro et anti). Comme toute technologie, elle a des avantages et des inconvénients (si la Bretagne bénéficie de vents très favorables, c’est loin d’être le cas dans ma région...). J’ai notamment cherché à en savoir plus sur les entreprises proposant des projets. La composition des conseils d’administration est très intéressante... Les banquiers sont très présents ! Un parti comme les Verts doit (évidemment !) prôner les énergies renouvelables, mais pourquoi fermer les yeux sur les effets pervers d’un libéralisme et d’un capitalisme sauvage ??
C’est, pour moi qui a le nez dans tous les dossiers concernant mon département, la différence entre un concept très intéressant et une réalisation plus que médiocre !! Je suis le premier à m’en désoler !!
Je ne suis dans une région à l’intérieur des terres, au seuil inférieur de rentabilité éolien (vents de 5m/s), avec peu de relief. Pour capter un peu de vent, tous les projets ont recours aux très grosses éoliennes de 2 MW culminant à 150 m d’altitude, visible sur plusieurs dizaines de Km à la ronde par beau temps. La plupart des projets ne tiennent pas compte du paysage, de l’avifaune, du patrimoine... Lorsque les projets éoliens seront respectueux de ses points, et plus seulement basés sur des opportunités foncières, on aura fait un énorme progrès, et les éoliennes sortiront de terre. Ce que je dénonce, c’est le côté hautement mercantile de ce « marché » (je n’aime pas ce terme, mais c’est comme ça que parle les entreprises...). Par ailleurs, je sais (et là vous ne m’apprenez rien que je ne sache déjà...)que beaucoup d’entreprises oeuvrent aussi, outre l’éolien, dans d’autres technologies comme la biomasse ou le solaire. Mais ces entreprises ont une préférence pour l’éolien, car le retour d’investissement est très rapide, comme je l’ai déjà expliqué.
Comme je le signalai dans mon premier texte, ma situation professionnelle au sein d’une administration d’état m’oblige à un devoir de réserve. Mais je persiste à dire que beaucoup de pratiques sont à la limite de la légalité, mais dans un forum ouvert à tous, je peux pas donner de noms correspondant à quelques exemples concrets de pratiques étranges et suspectes (enrichissement d’élus par les locations de terrains, « arrosage » par des subventions de toutes les associations d’une commune, y compris les anciens combattants parce que deux aérogénérateurs encadre un cimetière militaire !!).Les préfets sont informés de ces pratiques par des remontées d’infos des différents services, ce qui influe parfois sur la décision finale...
Et puisque je parle de préfet et que vous vous interrogiez sur la longueur de l’instruction des permis de construire, les différents services (DDE, DIREN, DRAC, SDAP, DDAF, DRIRE...) instruisent les dossiers dans les temps impartis par le code de l’urbanisme. La lenteur (toute relative par rapport à d’autres projets) est liée à l’enquête publique (qui ne peux pas être déclenchée à tout moment), au temps que met le commissaire enquêteur à répondre, et au temps que le préfet met à signer l’autorisation, mais pas aux instructeurs des différents services, qui ont plutôt la fibre environnementale, et qui font honnêtement leur travail... Je vais même vous avouer une chose, j’ai déjà donné des avis favorables à des projets bien ficelé, s’intégrant parfaitement dans le paysage ambiant (comme quoi je ne suis pas un mauvais diable dopé à l’uranium !!).
Comme vous avez pu le comprendre j’ai longtemps vécu près de nos voisins d’outre-Rhin et je vais encore en Allemagne très souvent. Alors qu’en France on s’emballe pour l’éolien, beaucoup d’allemands que je rencontre commencent à s’interroger .Certaines régions du nord de l’Allemagne ne sont plus qu’un immense parc éolien. J’ai vu aussi certains paysages emblématiques massacrés, et de nombreuses réticences commencent à se faire jour : il est quasiment impossible en Allemagne de faire une randonnée en montagne sans avoir un paysage « naturel », pollué par la présence d’un élément industriel qu’est l’aérogénérateur... L’Allemagne, malgré son hypocrisie face au nucléaire, a fait des choses intéressantes, dont on peut s’inspirer (à quand la prime de 50000 euros pour toute construction neuve économe en énergie...), mais il est important de tirer les conséquences des erreurs ou omissions qu’on pu commettre nos voisins, pour se doter d’outils destinés à protéger les paysages (qui sont une rentrée de devises important par le biais du tourisme...), ce qui est le cas dans de nombreux départements qui éditent des documents donnant les règles de « bonne conduite » dans l’implantation des éoliennes en prenant comme modèle la « charte départementale des éoliennes du Finistère », référence en la matière, et qui excluent certains territoires correspondant aux paysages les plus significatifs et à leurs abords immédiats.
J’aimerai effectivement que notre pays diversifie ses sources d’approvisionnement en énergie électrique, à l’instar de notre voisin allemand, mais sans que cela devienne, comme je le dénonçait dans mon message précédent, un business sans foi ni loi qui ne remplisse que les poches de certains actionnaires installés dans le confort ouaté de leur salon à Berlin, Copenhague ou Paris, laissant les miettes aux collectivités, par le biais de la taxe professionnelle (car c’est cela qui intéresse les communes, pas le côté écologique qui n’est vu que comme un alibi pour se donner bonne conscience, les élus l’avoue très facilement), le payeur étant toujours le citoyen lambda, sur sa facture d’électricité. Quand aux promesses d’emplois, examinez les dossiers de permis de construire : dans les études d’impact, vous découvrirez que grâce à la télémaintenance, il est très facile à une seule personne de surveiller plusieurs parcs éoliens, et de faire intervenir une équipe venant d’Allemagne ou du Danemark en cas de besoin. C’est là bas que se crée la majorité des emplois...
Notre environnement ne doit pas être inféodé au grand capital. C’est notre bien à tous !
Et puis c’est un petit peu trop facile de considérer ceux qui ont une vision critique de l’éolien comme des pro nucléaires. Faites comme moi, ayez un regard un peu critique, posez vous des questions, ne gobez pas béatement le discours des acteurs de l’éolien. Je suis écolo dans ma façon de vivre, de penser, de voter et de travailler. Mais de là à me faire prendre des vessies pour des lanternes... Certainement pas !!!
