A LA UNE ! Les hydroliennes émergent | | | | | Des éoliennes installées au fond de la mer : l’idée intéresse EDF et son Centre d’Ingénierie Hydraulique (CIH) de Savoie Technolac. Utiliser l’énergie des courants marins pour produire de l’électricité n’est pas un nouveau concept. L’idée a été exploitée pendant plusieurs siècles par les moulins à marées dont quelques exemplaires, à vocation désormais touristique, existent encore sur les côtes bretonnes. En 1966, la première usine marémotrice au monde était mise en service sur la Rance (Ille-et-Vilaine), d’une puissance équivalente à celle d’un barrage fluvial*. Mais les quelques hydroliennes en fonctionnement en Grande-Bretagne, en Norvège ou en Italie restent à un stade plus ou moins expérimental. | | © DR | | La terre, la lune et le soleil aux manettes L’énergie des marées renfermerait un potentiel non négligeable : 50 000 à 100 000 MW dans le monde, 15 000 en Europe, 3 000 au large des côtes françaises**. Et présente un certain nombre d’avantages par rapport à l’énergie éolienne. Le premier, et non des moindres : directement dictées par le système terre-lune-soleil, les marées sont régulières et prévisibles. Les horaires des flux et reflux sont connus d’avance. Le deuxième avantage est apporté par l’eau elle-même, 800 fois plus dense que l’air : pour déployer une puissance équivalente à celle d’une éolienne, une hydrolienne peut être six fois plus petite. En revanche, les hydroliennes ont des points faibles. En particulier, leur installation doit tenir compte de l’ensemble des usages de la mer (pêcheurs, bateaux de plaisance, militaires). Mais, surtout, la maintenance de ces engins sous-marins, fonctionnant dans un environnement sévère, n’est pas des plus simples et en accroît les coûts. Ancrée à 50 mètres de profondeur, dotée d’une hélice de 20 mètres de diamètre, l’hydrolienne norvégienne de Kvalsund fait appel à des “mécaniciens” plongeurs… habitués à travailler en eau très froide, et ses composants sensibles ont été doublés pour réduire les risques d’arrêt suite à des pannes. | | | Un programme labellisé par Tenerrdis | La diversité des projets en cours traduit l’état de l’art d’une technologie qui n’en est encore qu’à un stade pré-industriel. Support immergé ou non, turbine à axe horizontal ou vertical, écoulement libre ou canalisé, formes et structures des supports ? Autant de voies à expérimenter. “Les technologies foisonnent”, confirme Benoît Delprat, chef de projet au CIH, le centre d’ingénierie hydraulique d’EDF, installé sur Savoie Technolac. Pour l’instant, EDF accompagne deux projets importants. Le premier se déroule en Grande-Bretagne où EDF Energy, actionnaire du développeur MCT (Marine Current Turbines), a investi, fin 2005, environ 3 millions d’euros dans le projet Seagen. Cette hydrolienne, en cours d’implantation le long des côtes nord-irlandaises, affiche une puissance de 1,2 MW. Raccordée au réseau, elle fera l’objet de tests pendant deux ans, en particulier avec le concours de biologistes de l’Université Queen’s de Belfast. Côté français, les équipes R&D d’EDF et le CIH travaillent sur l’avant-projet d’un parc hydrolien de 30 MW. Elles accompagnent par ailleurs le programme “Harvest”, avec plusieurs laboratoires de l’INPG (Grenoble) et de l’Insa (Lyon), dont les premiers essais en canal auront lieu l’an prochain. Celui-ci vient d’être labellisé par le pôle de compétitivité “énergie-environnement”, Tenerrdis. Enfin, les premières recherches sont entamées sur des hydroliennes qui fonctionneraient… dans les fleuves. “Compte tenu de l’avancement des programmes, il faudra attendre 2015 pour que la filière atteigne sa maturité” explique Benoît Delprat. Les coûts de production, pour les premiers prototypes sont estimés entre 0,13 et 0,26 euros/kWh mais baisseront rapidement avec la construction des premiers parcs. À titre de comparaison, le tarif de rachat de l’énergie produite par les centrales éoliennes en mer, en France, est de 0,13 euros/kWh, un tarif incitatif destiné à promouvoir la filière. Les hydroliennes bénéficieront-elles également d’un coup de pouce de la puissance publique ? Didier Durand | | |